Vous devez absolument prouver votre bonne foi, ou au contraire, mettre en évidence la tromperie d’un commerçant, d’un employeur ou d’un conjoint ? Vous avez pensé piéger le coupable, afin de l’enregistrer ou le filmer pour prouver vos dires ? Attention, ce type de litige se termine quasiment toujours devant un juge, où il faudra alors étudier la recevabilité des preuves récoltées. Et en France, le cadre légal est très strict à ce sujet. Zoom sur les limites d’une caméra espion.
Dans quels cas utiliser une caméra espion ?
Il est très facile aujourd’hui de se procurer du matériel d’espionnage en le commandant sur internet par exemple : micros enregistreurs, caméras, et même trackers GPS pour téléphones portables… De plus, le prix d’une caméra espion est relativement faible, ce qui la rend accessible au plus grand nombre. Il n’y a donc rien d’étonnant à penser installer une caméra espion dans son bureau, son salon ou sa voiture en espérant tirer au clair une situation accusatoire, prouver du harcèlement, un adultère ou une arnaque. Mais attention, en avez-vous le droit ?
Un détective privé accrédité peut employer des moyens techniques discrets, ou ruser dans le but d’obtenir des éléments permettant de prouver que vous dites la vérité ou qu’un tiers ment, mais il s’agit d’un professionnel qui connaît exactement les limites de l’usage d’une caméra espion par exemple. Mais il est vrai qu’un détective coûte cher… et on est vite tenté de jouer soi-même les espions en cachant une mini caméra IP dans les locaux ou en utilisant discrètement un smartphone.
Le respect de la vie privée et le droit à l’image
“Chacun a droit au respect de sa vie privée” dit l’article 9 alinéa 1 du Code civil : si vous avez le droit “d’entendre” une conversation privée, ce qui sous-entend que cela est dû au hasard, en revanche vous n’avez pas le droit de “l’écouter” qui est une action délibérée. En plus d’être indiscret, vous pourriez être accusé d’espionnage, ce qui viole le droit à la vie privée : interdit par la loi, vous risquez une sanction.
Le droit à l’image est également très strict. La subtilité est qu’il n’est pas interdit de prendre une photo ou une vidéo espion, à l’insu d’une personne, seulement de la reproduire, de l’exposer ou de la diffuser. Produire une photo d’une personne commettant une infraction, sans son consentement est donc valable au tribunal pénal. Mais attention, à la condition qu’aucun tiers ne figure sur ces images obtenues par caméra espion : sinon, chaque tiers qui se reconnaît sur l’image risque lui aussi de vous poursuivre pour atteinte à la vie privée !
Très encadré, le droit à l’image peut amener de nombreuses “preuves” illégalement récoltées par des caméras espion à être rejetées, voire pire, à entraîner un dépôt de plainte à l’encontre de celui qui les a prises. Même si ces images ou ces vidéos ont été prises pour servir de preuve, justement : si elles enfreignent le droit à la vie privée, alors elles peuvent se retourner contre vous.
Les images d’une caméra espion peuvent-elles servir de preuve ?
Dans le contexte d’une affaire pénale, le principe de la preuve libre en droit pénal, commercial et administratif (article 427 du Code Pénal) permet à la victime d’une infraction de rapporter une preuve même si elle a été obtenue par des moyens illicites ou déloyaux, comme un enregistrement clandestin ou un film pris par une caméra espion (à l’insu de la personne filmée). Produites par un particulier lors d’une affaire pénale, les images d’une caméra espion constituent donc une pièce à conviction, pourvu qu’elles soient motivées par la nécessité de rapporter des éléments dont l’auteur de l’enregistrement est victime, et par le biais de sa défense.
En revanche, ces preuves sont aussi soumises au principe de la discussion contradictoire et doivent donc être transmises au parti adverse en amont du jugement afin de lui laisser le temps de préparer sa défense. On a vu en particulier ce principe être mis en avant par la Cour de cassation lors de l’affaire Bettencourt fin 2012.
Les dangers de la caméra espion
Il y a de gros risques à jouer les espions soi-même comme James Bond ou un journaliste d’investigation : le respect du droit à l’image et à la vie privée sont particulièrement importants en France. Loin des clichés véhiculés par les séries TV américaines, il n’est pas possible d’arriver au jour de son procès et de produire soudain un enregistrement vidéo clandestin compromettant à la surprise de tout le monde, y compris le parti adverse. Le droit français n’aime pas du tout les effets théâtraux ni la dissimulation, et une telle preuve même compromettante pourrait bien se retourner contre vous en vous attirant à votre tour des ennuis judiciaires.
Même si vous êtes dans une situation très difficile, attention lorsque vous enregistrez une personne à son insu. Si celle-ci venait à découvrir votre stratagème, elle pourrait très mal réagir et même s’en prendre à vous physiquement : ne vous mettez pas en danger et recourez plutôt à la discrétion. Les caméras espion et les micro enregistreurs clandestins peuvent être dissimulés dans des objets du quotidien comme :
- un stylo,
- un sac à main,
- ou encore une peluche.
Choisissez un objet que vous pouvez mettre dans votre poche ou votre sac pour un micro, et un objet qu’il n’est pas incongru d’avoir sur vous en permanence pour une caméra espion embarquée comme vos lunettes, un collier ou un bouton de votre vêtement.
Cependant, l’objet le plus anodin du paysage quotidien et qui peut tout à faire faire office de caméra espion ou de micro enregistreur reste le smartphone : attention à ce que la personne enregistrée ne s’aperçoive cependant pas que celui-ci est en train de filmer, car vous ne pourrez pas prédire sa réaction.
Il existe aussi des caméras espion à dissimuler dans les meubles ou des objets muraux qui se déclenchent lorsqu’il y a du mouvement ou du bruit, ce qui leur évite d’avoir à filmer en permanence et de vider leur batterie. D’autres peuvent retransmettre les images en streaming via la vidéo IP et ainsi les envoyer sur votre PC ou votre smartphone. Mais faites bien attention : la moindre copie (même numérique), partage ou diffusion de ces images prises clandestinement constitue une atteinte à la vie privée de la personne filmée, donc passible de sanctions pénales ! Se servir de l’existence de ces images pour exercer une menace ou un chantage sur un tiers est également lourdement puni par la loi.