Le domaine cinématographique est semé d’œuvres qui ont marqué l’histoire pour des raisons diverses. Parmi elles, certaines ont hérité d’une réputation plutôt infâme. C’est le cas de “Dungeons & Dragons”, l’adaptation cinématographique de l’an 2000 qui, bien avant la série “Honor entre ladrones”, se voulait la transposition d’un univers fantastique adoré des joueurs. Mais loin de l’hommage espéré, cette version a fini par être perçue comme un détournement presque hérétique de l’esprit du jeu culte.
Une réputation désastreuse
Une déception artistique largement reconnue, “Dungeons & Dragons” a subi les foudres des critiques, à la fois professionnels et cinéphiles. L’histoire du septième art est cruelle pour les adaptations qui ne parviennent pas à capturer l’essence de leur matière première et, ici, la presse spécialisée ainsi que le public s’accordent à dire que le film est un échec sur toute la ligne. Rappelons qu’il a été affublé du un titre peu flatteur par les lecteurs de la vénérable revue “Empire”, intégrant ainsi leur liste des films les moins estimables. Même les plateformes de critique moderne telle que Rotten Tomatoes affichent des scores dérisoires, à peine plus élevés que les premiers pourcents, signe que le temps n’a fait qu’entériner cette image de naufrage cinématographique.
Les raisons d’un jugement si sévère résident dans différents facteurs. Sur le plan visuel notamment, l’œuvre traduit une sorte de désir insatisfait de grandeur et d’épique, une ambition entravée par des moyens insuffisants et une technologie rapidement dépassée, notamment par le tour de force qu’a constitué la trilogie du “Seigneur des Anneaux” de Peter Jackson quelques années plus tard. Même avec quelques acteurs de renom comme Jeremy Irons ou Thora Birch, le film pâtissait par ailleurs d’un manque cohérence et d’un traitement des personnages qui, à l’époque, soulevèrent des controverses, comme celle entourant un rôle interprété par Marlon Wayans, jugé vecteur de stéréotypes racistes.
Des débuts prometteurs qui tournent au désastre
Un projet de longue haleine marqué par un parcours difficile, voilà ce qu’on pourrait dire du développement de “Dungeons & Dragons”. Courtney Solomon, alors jeune passionné et joueur assidu, a décelé là une opportunité inédite. Après un travail acharné de 18 mois pour convaincre les éditeurs qu’il était l’homme de la situation, il hérita des droits qu’il ambitionnait de porter à l’écran avec la conviction et la foi du débutant. S’ensuivirent des épreuves supplémentaires avec la recherche d’un budget conséquent et la rédaction d’un script qui devait fidéliser l’esprit du jeu original.
Rêves d’envergure et réalités du marché entrent souvent en collision dans le monde de la production cinématographique, et ce fut le cas ici. Solomon envisageait une superproduction avec un budget de 100 millions de dollars et la participation de réalisateurs de prestige tels que James Cameron et Francis Ford Coppola, mais ces aspirations se trouvèrent vite tempérées par les réalités économiques et les difficultés d’obtention de financements. Le projet prit ainsi des dimensions plus modestes, se destinant à une sortie en vidéo avec un budget initial réduit avant de bénéficier finalement d’une mise à niveau financier permettant une sortie en salles.
Les tumultes de la création et la responsabilité des échecs
Le processus créatif est semé d’embûches, et le film “Dungeons & Dragons” en est une parfaite illustration. Les fluctuations incessantes en termes de planification et les contraintes budgétaires ont grandement affecté la cohésion et la qualité de l’œuvre, la rendant visiblement désorientée. De plus, cette production détenait à l’époque le record de l’indépendance en étant le film à gros budget le moins soutenu par les grands studios, une prouesse qui hélas n’a pas suffi à garantir son succès.
La mouture finale du film fut grevée par les multiples interférences qui limitèrent les choix artistiques du réalisateur. Solomon blâme ainsi les compromissions imposées par les investisseurs, sans compter l’utilisation d’une version prématurée du script, loin de la maturité nécessaire pour rendre justice à la richesse de “Dungeons & Dragons”. De telles décisions, motivées par l’économie de ressources, ont finalement contribué à altérer l’âme du projet initial.
Du rêve brisé au renouveau : après le déluge de critiques et une carrière mise à mal par cet échec, Solomon n’a réalisé que deux autres films par la suite : “Maleficio” et “Getaway”, deux productions qui semblent jugées anecdotiques au regard de son entrée fracassante dans l’industrie. Heureusement, les années ont amené un second souffle à la franchise, avec un regain d’intérêt pour le jeu de rôle et une adaptation réussie en 2023, signe que les hypothèques du passé peuvent être levées et que l’héritage ludique de “Dungeons & Dragons” demeure immuable.