L’imaginaire collectif s’est largement emparé de l’idée d’une existence pleine de partages sur les plateformes virtuelles ; et pourtant, il existe des territoires où vivre sans social media n’est pas une option mais une réalité imposée. Le Turkménistan incarne cet univers alternatif où les grands noms du digital comme Facebook, Instagram ou YouTube sont inaccessibles pour ses citoyens.
Le turkménistan et son internet contrôlé
Dans ce pays d’Asie centrale, parler de WhatsApp, Viber ou Telegram évoque des services inatteignables. Byashim Ishanguliyev, jeune vendeur de fruits turkmène, témoigne de cette situation : l’utilisation de VPN (Réseaux Privés Virtuels) pour contourner ces blocages reste une solution précaire, souvent annihilée par des blocages subséquents. Ces restrictions reflètent une volonté étatique de domination sur l’espace numérique ; le gouvernement a même développé sa propre application de messagerie, Bizbarde, manifestement sous sa surveillance étroite.
Alors que le partage d’informations devient de plus en plus un enjeu de pouvoir, le pays a introduit Belet Video, une forme de remplacement au populaire YouTube – mais qui ne diffuse que des contenus strictement nationaux, qu’ils soient informatifs ou divertissants. Pour le président actuel, Serdar Berdymujamedov, ces mesures semblent encore insuffisantes. Depuis son accession au pouvoir en 2022, il ne cesse de renforcer la cyberdéfense de la nation, une démarche qui coexiste mal avec le concept de liberté d’expression. Serdar cherche à continuer à consolider la dynastie politique de sa famille, dans ce pays riche de ressources naturelles essentielles comme le gaz naturel et le pétrole.
Gouvernance et impact sur la liberté de la presse
Le Turkménistan a longtemps opéré sous un système de parti unique. Cependant, des évolutions ont eu lieu, donnant naissance à un parlement bicaméral en 2021. À peine deux ans plus tard, l’ancien système a été restauré, rétablissant ainsi la forme de gouvernance en place depuis l’indépendance de l’Union Soviétique en 1991. Une décision qui perpétue l’autoritarisme et le secret qui planent sur le pays, souvent comparé à la Corée du Nord. Pris dans les filets d’une gestion oppressante, le Turkménistan se trouve en dernière place au classement des Repórteres Sem Fronteiras (RSF) sur la liberté de presse.
Les Organisations Non Gouvernementales (ONG) internationales dénoncent l’usage imprudent par le gouvernement des revenus engendrés par les ressources naturelles. Plutôt que d’être réinvesties pour le bien de la population, ces sommes sont dépensées dans des projets d’envergure qui, en définitive, profitent peu aux citoyens. Dans un monde globalisé où la connectivité est souvent synonyme d’opportunités, se retrouver isolé dans une bulle nationale représente un handicap considérable. Des cyberattaques sont régulièrement rapportées à travers le monde, soulignant combien la cybersécurité est devenue un enjeu majeur.
Contourner l’interdiction, un risque pour les citoyens
Devant ce blocage d’envergure nationale, certains Turkmènes tentent de contourner les restrictions pour accéder aux fameuses plateformes. Mais ces efforts demeurent périlleux – si l’utilisation de VPN constitue une échappatoire temporaire, elle est rapidement contrariée par des mesures de blocage supplémentaires. Qui plus est, ces pratiques ne sont pas sans risque : elles peuvent entraîner des conséquences fâcheuses pour ceux qui tentent de défier les régulations en vigueur.
Ce désir d’accéder à ce qui est prohibé traduit un besoin humain profond de connectivité et d’échange. L’ironie est que, dans bien des régions du monde, des adolescents à l’instar de certains au Turkménistan apprennent à conduire via des tutoriels diffusés sur les réseaux sociaux, soulignant le fossé entre les possibilités offertes par ces plateformes et leur disponibilité réelle dans certains pays.
Naviguer dans un environnement digital restreint marque donc la vie quotidienne au Turkménistan, où gouvernance et contrôle des canaux de communication vont de pair. L’histoire récente témoigne de l’importance des mouvements virtuels dans les bouleversements politiques et sociaux, mais ici, l’absence de médias sociaux créé un vide sur lequel le gouvernement semble capitaliser pour renforcer sa mainmise sur la population.
Alors, peut-on vraiment s’imaginer vivre sans ce puissant outil de communication moderne ? La réponse des Turkmènes serait probablement nuancée, entre la résignation devant l’absence imposée et l’ingéniosité pour chercher des alternatives – même si elles demeurent sous le contrôle des autorités.